Demain, je vais faire du levain et, sans blague, ça me donne un p’tit frisson d’émoi. Je n’ai jamais pris le temps d’en faire. En fait, je n’avais même pas réalisé que c’était chose possible (ce qui me rappelle la fois où une amie m’a regardée comme si j’atterrissais d’une autre planète parce que je ne savais pas pouvoir réaliser une pâte feuilletée moi-même. Une donnée que j’avais occultée après avoir visionné une demi-douzaine de tutos qui m’avaient fait relayer cette éventualité dans mon arrière-cerveau et en venir à croire que la pâte feuilletée était née en boîte jaune en supermarché). Bref, juste faire mon pain, il n’y a pas si longtemps encore, me paraissait un idéal à atteindre. Sans que je ne sois appelée à être partout, la parentalité et nos carrières respectives nous accaparaient déjà bien suffisamment ces derniers temps sans que je ne me mette à jouer les boulangères, ne serait-ce qu’une heure ou deux le week-end.
Avec une longueur d’avance à peine plus grande que ma fille, je lui enseignerai donc à faire du levain et lui en vanterai les vertus lorsqu’elle sera à mes côtés devant notre îlot de fortune. Et comme elle a décrété que cette semaine était sous le thème de la cuisine, je trouve que c’est fort à propos de le faire. Je me réjouis non seulement de tenter l’expérience avec elle (et fiston qui accourra très certainement lorsqu’il nous verra avec des tasses à mesurer à la main), mais de le faire dans un contexte qui sera exempt de considérations temporelles. Il y a si longtemps que le temps a joué un rôle si secondaire dans nos vies. C’est du moins la première fois depuis que je suis en mesure de réaliser le luxe que ça représente. Et bien que la situation soit angoissante à divers degrés actuellement, je me ravis que mes enfants soient eux aussi épargnés par le tandem temps/performance pour quelques semaines encore (bien que l’on se fasse un devoir de les scolariser avec modération).
Vraiment, notre levain sera parfait. Et s’il ne l’est pas, on recommencera, tout simplement, parce que nous aurons le temps, et le goût et que ça ne sera pas plus grave que ça. Cette pandémie, qui n’a certainement pas fini de faire des dégâts, saura aussi faire germer du beau et du grand. Déjà, à notre échelle, mes enfants de 7 et 5 ans sauront qu’ils ont le pouvoir de faire lever un pain grâce à un mélange donné de farine et d’eau et que ce mélange, si on le nourrit au quotidien, pourrait nous accompagner pour de nombreuses années.
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